La Sicile

Outre la menace surréaliste d'être expédié, Dieu sait où, par un coup de pied de la botte italienne ou d'être mangé par de Cyclope Polyphène comme les malheureux compagnons d'Ulysse, la Sicile paraît encore de nos jours mystérieusement dangereuse. N'abrite-elle pas les repaires de la mafia ? N'est-elle pas trop souvent secoué par de violents séismes ainsi que brûlée par les laves de l'Etna ?

Cependant, si vous décidez de visiter cette belle île, vos principaux ennemis ne seront sans doute que d'autres innocents touristes. Car la Sicile plait et attire un peu trop alors qu'égoïstement vous aimeriez être seuls à profiter de ses sites aussi grandioses qu'intéressants. Hélas, nous ne sommes plus au siècle dernier lorsque Guy de Maupassant effectuait un périple en Sicile. Il faut aujourd'hui s'attendre à retrouver son voisin de palier en train de photographier le même temple grec que vous.


Agrigente

Partez-donc, vous aussi, pour la Sicile. A quelle saison ? Le printemps ou l'automne paraissent plus propices à des tours en autocar que les chaleurs estivales. En revanche, en été l'île est moins fréquenté par les autres touristes, ce qui est appréciable. Il peut aussi se révéler agréable d'aller en février retrouver le soleil de la méditerranée brillant sur les fleurs d'amandiers. Pour se baigner, l'eau est délicieuse en automne lorsqu'elle a chauffé tout l'été.

Ne vous attardez cependant pas trop sur les plages ; il y a tant à voir en Sicile que vous seriez honteux de " bronzer idiots ". Cette île, habitée depuis la nuit des temps, garde des vestiges de toutes les grandes civilisations du pourtour méditerranéen. Elle fut en partie occupée par des Grecs qui y élevèrent à leurs dignités d'innombrables temples. Certains, tel celui de Ségeste, demeurent parfaitement conservés. D'autres, à Selinunte, à Agrigente, à Syracuse, dressent encore quelques colonnes colossales sur un ciel bleu de carte postale.


Catane

Près de ces sanctuaires s'étagent souvent, face à de splendides panoramas, des théâtres que les Romains transformèrent plus tard en amphithéâtres afin que de sanglants massacres remplacent les délicates pièces d'Eschyle. Si ces Romains se montraient brutaux autant qu'impitoyables, ils n'en étaient pas moins de formidables architectes comme en témoignent des vestiges de villas admirablement adaptées à leur environnement. Celle de Piazza Amerina abrite un incomparable ensemble de mosaïques sur lesquelles figurent ces fameuses jeunes filles en bikinis dites " à la Palestre ".

Puis, à l'exemple de l'empire romain, la Sicile devint byzantine et chrétienne. Les temples se transformèrent en église.

Au IXème siècle, ce fut au tour des Arabes de déferler sur la Sicile qu'ils conservèrent environ deux cents ans avant d'en être chassés par les aventureux Normands. De ce XIIème siècle normand, datent de bien curieux édifices qui conjuguent les styles arabes et romans, le tout agrémenté de mosaïques byzantines. Ainsi, entre autres, à Palerme, il est loisible d'admirer la chapelle palatine ainsi que, dans ses environs, la cathédrale de Montreale. 

Après les Normands, cette Sicile agricole et si bien située appartint successivement aux Hohenstauffen de Souabe, qui y construisirent des châteaux forts (ceux de Syracuse, de Catane, d'Enna), aux Angevins puis aux Espagnols. Il faudra attendre Garibaldi et ses " Mille " pour que l'île soit enfin rattachée à l'Italie.

La longue domination espagnole favorisera l'éclosion de palais baroques aux balcons lourdement ouvragés ainsi que d'églises jésuites aux façades concaves. C'est entièrement en baroque qu'après le tremblement de terre de 1693 furent reconstruites les pittoresques villes de Raguse et de Noto dont les ruelles dégringolent le long des flancs de ravins.


Raguse

Pourtant, malgré son riche passé, la Sicile n'est pas un simple musée d'art et d'histoire. C'est une terre agricole qui fut naguère le grenier à blé de Rome. Les meilleurs agrumes d'Italie y poussent. Vous y respirerez les parfums des vergers de citronniers et d'orangers, y admirerez les oliviers centenaires, les délicats amandiers, les vignes curieusement protégés par des bâches et même les champs de coton. Vous y achèterez du vin de Marsala, des tomates séchées, du thon aromatisé, des amandes et des pistaches.


Stagnone

Enfin, si vous êtes plus attirés par les curiosités naturelles que par les vieilles pierres, l'ascension de l'Etna vous attend avec son paysage lunaire et ses cratères crachant de la fumée. Vous l'escaladerez en faisant du trekking ou moins sportivement en voiture, en train ou en téléphérique. Vous y disposerez aussi en hiver de stations de ski.

Bon voyage et revenez-nous, même si, comme Ulysse, vous avez du mal à vous arracher des bras de Circé la magicienne sicilienne.

 

SOLEILLA