ASMARA
Voulez-vous voyager dans le temps ? Visiter une ville italienne des années 40 ? Rendez-vous à Asmara, capitale de l'Erythrée. Cette capitale, située à plus de deux mille mètres d'altitude sur les hauts plateaux de l'Afrique Orientale, fut la perle de l'Empire colonial italien (1).
Ayant débarqué en 1890 à Massaoua, sur les bords de la Mer Rouge, les Italiens avaient atteint avant la fin du XIXème siècle les hauts plateaux boisés qui dominent la côte. Ils y ont réalisé un chef-d'œuvre d'architecture et d'urbanisme. |
une ville italienne en Afrique
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Malheureusement, après la guerre, l'Erythrée qui faisait partie des dépouilles de l'empire colonial italien fut abusivement, et sans consulter ses habitants, attribuée par les alliées au Negus d'Ethiopie, Haïle Selassie, pour le dédommager de l'invasion mussolinienne. S'ensuivit un conflit de trente ans entre occupants éthiopiens et maquisards érythréens, qui aboutit à l'indépendance de l'Erythrée en 1993.
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La ville d'Asmara n'a heureusement pas souffert de ce long conflit. Aujourd'hui le contraste est frappant entre Addis Abeba submergée par les bidonvilles et Asmara pimpante et disciplinée. |
Tous les bâtiments de l'ère coloniale sont intacts et les habitants, coupés du monde par cet épuisant conflit, ont largement conservé le mode de vie des anciens colonisateurs. Le long de l'avenue de l'Indépendance, principale artère de la ville, bordée de palmiers, déambulent de vieux messieurs tout de noir vêtus et chapeautés de borsalinos qui semblent sortis d'un film italien d'avant-guerre. Aux terrasses des cafés vous pourrez déguster un délicieux cappuccino tout en regardant passer les Fiat " Topolino " des années cinquante. Sur ce même boulevard, se dressent la cathédrale catholique de style toscan, l'Hôtel de Ville et le cinéma " Impero " de pur style mussolinien alors que le théâtre date du début du XXème siècle et rappelle les fioritures de l'art nouveau. Un peu plus bas, le Palais du Gouverneur, au milieu de son parc bien entretenu, paraît s'être envolé comme par magie des bords d'un lac italien pour atterrir en Afrique de l'Est. La poste centrale avec ses pupitres de marbre vaut, elle-aussi, le détour.
Au fil de vos promenades, vous découvrirez de nombreuses et ravissantes villas fleuries d'hibiscus et de bougainvilliers, construites dans les années trente et s'apparentant aux styles des différentes provinces d'Italie comme le décrit si bien Jean-Christophe Ruffin (2).
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la cathédrale catholique
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Bref, l'illusion est presque complète et la charmante ville d'Asmara supporte la comparaison avec beaucoup de bourgades du Mezzo Giorno.
Cette capitale était en outre fort bien reliée au port de Massaoua par deux ouvrages d'art tout à fait remarquables : le chemin de fer, que le gouvernement est en train de réhabiliter ainsi qu'un étonnant téléphérique qui transportait rapidement les voyageurs des bords de la Mer Rouge à Asmara dans une carlingue d'aéroplane.
Aujourd'hui, c'est en avion que vous arriverez, en provenance d'Egypte ou
d'Ethiopie.
J.M.M.
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(1) Une bonne évocation des rivalités coloniales dans la corne de l'Afrique est donnée par Hugo Pratt dans ses albums " Les Ethiopiques ", " Un fortin en Dancalie " et " Conversation mondaine à Moululhe ",
Casterman.
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(2) Jean-Christophe Ruffin, " Asmara ou les causes perdues ".
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(3) Henri Labrousse, " Récits de la Mer Rouge ", Economica.
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